Florilèges dispersifs

AMBIANCE MUSICALE

***

Viens-tu du ciel profond ou sors-tu de l’abîme,
O Beauté ? Ton regard, infernal et divin,
Verse confusément le bienfait et le crime,
Et l’on peut pour cela te comparer au vin.

Tu contiens dans ton œil le couchant et l’aurore,
Tu répands des parfums comme un soir orageux ;
Tes baisers sont un philtre et ta bouche une amphore
Qui font le héros lâche et l’enfant courageux,

Sors-tu du gouffre noir ou descends-tu des astres ?
Le Destin charmé suit tes jupons comme un chien ;
Tu sèmes au hasard la joie et les désastres,
Et tu gouvernes tout et ne réponds de rien.

Tu marches sur des morts, Beauté, dont tu te moques ;
De tes bijoux, l’Horreur n’est pas le moins charmant ;
Et, le Meurtre, parmi tes plus chères breloques,
Sur ton ventre orgueilleux danse amoureusement.

L’éphémère ébloui vole vers toi, chandelle,
Crépite, flambe et dit : Bénissons ce flambeau !
L’amoureux pantelant incliné sur sa belle
A l’air d’un moribond caressant son tombeau.

Que tu viennes du ciel ou de l’enfer, qu’importe,
O Beauté ! monstre énorme, effrayant, ingénu !
Si ton œil, ton sourire,ton pied, m’ouvrent la porte
D’un Infini que j’aime et n’ai jamais connu ?

De Satan ou de Dieu, qu’importe ? Ange ou Sirène,
Qu’importe, si tu rends, - fée au yeux de velours,
Rythme, parfum, lueur, ô mon unique reine ! –
L’univers moins hideux et les instants moins lourds ?

***

[HJ : Hymne à la beauté — Charles Baudelaire]

Voyez, pauvres erres, mon royaume de cristal s'ébrécher au milieu de montagnes indigos, inconnues de la moindre carte et dont aucune boussole ne pointe la direction. Voyez mon diadème aux pierres précieuses enchâssées se fendre ! Le métal en est rouillé sans doute et plus aucun charme ne le ceint à mon front. Je ne serais jamais ni la fée Morgane, ni la reine de Saba à moins que je ne sois fille de Lilith. Oh non pas la démone qui tue les enfants et se nourrit des fluides des Hommes mais bien celle qui, libre comme le vent, tient à rester insoumise jusqu'à l'inconsolable tourment. Peut-être suis-je les trois en même temps ? La réincarnation du trouble et de l'émoi. Tantôt hypnotique tantôt répulsif et agaçant jusqu'à la brèche finale qui laisse dans son sillage, un parfum doux et âcre à la fois...

Tenez donc rigueur de mes actes ! Cillez et détournez-vous de mes prunelles de velours dont les paupières sont cimentées d'omniscience ! Je ne suis guère la jeune péronnelle que vos esprits s'imaginent jusqu'à la fabulation. Aimez-moi et haïssez-moi tant il vous plaira. Désirez-moi ! Possédez-moi ! Je suis la passion dévorante et dévastatrice qui vous fait cruellement défaut.

Mon cœur saigne des marécages laiteux en brume épaisse, sur un continent lointain. Une obscure planète, sans raison apparente où je m'exile car il y exhale des couleurs affriolantes venant m'embaumer dans un linceul d'aurore boréale… Je me nommais mélancolie. Me voici exode !

J'aurai aimé pouvoir emprunter, capricieuse et infantile, le verbiage de l'Antigone d'Anouilh.

Citation :: Vous me dégoûtez tous avec votre bonheur ! Avec votre vie qu'il faut aimer coûte que coûte... Moi, je veux tout, tout de suite, et que ce soit entier, ou alors je refuse ! Je ne veux pas être modeste, moi, et de me contenter d'un petit morceau, si j'ai été bien sage.

Je suis l'incandescence et les frimas. L'Eden et l'Enfer. Je suis une palette impressionniste. Une aquarelle qui n'a que les yeux pour pleurer. Il n'est plus guère utile de verser la moindre goutte salée face à vos égos qui me blessent et cette volonté incessante de me vouloir captive entre vos bras quand nul ne sait désormais ce qu'est le véritable amour.

J'ai le blues des soleils ternes. Au fond de ma cave, le ricin de ma mémoire absoute fait effet. Purgatoire de ma solitude. Condamnée à l'errance des festivités notoires et liquidiennes. Je soigne mes maux en bonbons occis sur le trottoir des envies fugaces, lascives et hétéroclites. L'étau corporel s'étiole en rose noire, dangereuse et piquante et se donne sans que j'en contrôle le sens. Mal ! C'est mal ! L'envie me prend pourtant, et me pique à vif dans la moelle écarlate. J'avance vers le péché originel avant de m'y jeter, affamée. Carnivore et cannibale des sueurs torrides. Le tango des pas perdus sans regret. Je plonge dans ces rivières d'absinthe. L'embellissement. Subjuguez mon émoi. Subjuguez mon moi dispersif. L'étreinte de l'imparfait à oublier les foutaises du passé. J'oublierais dans vos bras, par vos lèvres que j'ai pu mourir et renaître mille fois. Je vous l'ai dit ! Je veux que vous m'aimiez... Un jour, et moi.

Reprochez-moi toutes vos lacunes ! Reprochez-moi les miennes ! Reprochons-nous nos blessures que rien ne guérira sauf le temps et la mort. Je suis le vinaigre et le sel. Surtout le sel qui manque à vos existences. A... Je tais et brise le masque car aucun d'entre vous ne pourra remplacer l'Unique ! Le Précieux ! Le Prince ! Celui qui fut. Celui qui est. Celui qui erre. Celui que je recherche avec opiniâtreté. Celui qui m'insufflera l'apaisement. Celui qui, fécond, me permettra d'enfanter la grâce et la beauté. Je n'épicerais plus vos jours. Je ne pimenterais plus vos nuits. Que l'on m'interdise ces amours illicites et défuntes multifacettes ! Que l'on m'emprisonne ! Je veux juste être un rêve diaphane au creux de vos crépuscules troublés. Le songe d'une nuit d'été. Je vous aime. Je vous déteste.