Discovery channel

La radio crachotte et chouine un peu. Le son devient enfin plus clair. Une voix féminine, et un peu nerveuse, s’élève :

Allo la République Sérénissime ? Ici Shangri-la. Je suis Alizia Leone de Xabier, je m’y occupe de problèmes de santé. En accord avec May-Lee Koba, je vais vous faire un petit topo sur les recherches que nous menons ici.

A Shangri-la on ne meurt plus de la violence endémique de notre monde, ni de privations, ni des infections les plus communes. Ici, la première cause de mortalité semble être psychologique : on meurt de dépression et de ce qui s’ensuit : le syndrome de perte de l’ego ou SPE. C’est que beaucoup surnomment la « zombinite ».
On’y succombe pas plus qu’ailleurs, mais là-bas, ils ont juste beaucoup plus d’occasion de mourir d’autre chose avant !

Ce triste constat m’a amenée à étudier les affections psychologiques de mes contemporains. La plupart sont assez classiques, elles ont étés bien étudiés par les grandes psychologues comme Simone Freud ou Marie-Claire Biba.
J’ai cependant identifié un ensemble d’affections originales, particulières à notre temps :
Le syndrome Don Quichotte.

Don Quichotte est un personnage de roman castillan. Refusant le monde dans lequel il vît, il se met en tête qu’il est un des héros des œuvres de fictions dont il est friand : les romans de chevalerie. Aussi il s’en va, errer dans le monde, déguisé et prétendant agir tel un chevalier sans peurs ni vices. Il est à fond dans son trip.

Les victimes du SDQ tentent donc de survivre psychologiquement aux chocs du crash : la double perte de nos proches et du mode de vie dans lequel nous avons grandit, en s’imaginant être des personnages différents de ceux qu’ils ont été avant. Ils ne sont plus des survivants qui ont tout perdu, mais des sortes de héros de romans, séries, films, jeux vidéo…
J’ai tenté une classification grossière.

Le fictionnalisme :
Le patient se revendique d'une fiction, souvent fantastique, qu'il a connu et apprécié dans le passé. Ainsi il s'extrait de la dure réalité.
Le rebelle de la série TV du même nom. Robot et extra-terrestres de H2G2. Spock de Star trek. Alf de la série TV du même nom. Les exemples ne manquent pas.

L’historisme :
D'autres s'inventent une origine d'un autre temps. Ils ne font donc pas partie de la génération qui connue, laissé faire ou provoqué le Crash. Ils se déchargent d'un sentiment de culpabilité. La encore les exemples ne manquent pas : Vicking, Samourai, soldat de WWII. Certain peuvent aller jusqu’à se prendre pour des personnages historiques célèbres telles que Staline ou Lénine … se conformant ainsi au clichés le plus éculé de l’aliénation mentale, souvent symbolisé par un patient se prenant pour Napoléon. Mais là on entre dans la mégalomanie.

L’exnihilisme :
Pour ne pas souffrir du choc et des pertes dues au crash, la victime oublie tout ce qu'il y a eu avant le crash et s'imagine ne connaître que le monde post-crash. Cela s’accompagne souvent de l’élaboration d’une fiction bancale situant le crash dans un passé très très lointain, totalement incohérent avec la survivance de quantité de reliques technologiques qui ne pourraient résister bien longtemps aux outrages du temps.


Il me faut rajouter un état particulier : le Sancho Pansisme .
Sancho Pansa est le serviteur que Don Quichotte entraîna dans sa folie.
Certaines personnes ne souffrant pas initialement du SDQ mais l'acceptent et l'entretiennent chez ceux qui en sont atteint. Dans quels buts ? La lâcheté, ou l’instinct de conservation, est la première qui vient à l’esprit. Contrarier qui que ce soit de nos jours est presque partout prendre un risque pour sa vie.
Heureusement, qu’à Shangri-la la liberté d’expression n’est pas un vain mot ! (Enfin… J’espère !)
Les mythes dont se bercent les victimes du SDQ, sont aussi bien tentants pour les autres : s’imaginer qu’il y a une porte de sortie dans l’espace, ou le temps, pour fuir notre monde si dur et si violent, est toujours bien tentant.
A première vue, c’est un bon moyen de lutte contre la dépression qui ravage nos rangs.
Mais nier ainsi la réalité c’est surtout prendre le risque de ne pas s’en remettre au moment de l’atterrissage. Car la réalité est bien plus résistante et solide que nos illusions. Le jour où un soit disant robot mourra, il pourra très bien nourrir les charognards, ou si elle se fait violer, elle pourra tout à fait tomber enceinte. On voit d’ici la catastrophe arriver dans une telle hypothèse !

« Que faire des victimes du SDQ ? » Allez-vous me dire.
Lunes après lunes, depuis longtemps maintenant, nous avons l’occasion de constater que des personnes manifestant des formes aiguës de SDQ peuvent être des membres éminents et productifs de notre microsociété. De plus elles ne sont ni plus ni moins sujettes au SPE. Certaines formes peuvent être dangereuses pour le malade, d’autres pour son entourage. C’est quelque chose à gérer au cas par cas.

Nos malades ne se réduisent pas à leurs maladies, ce sont nos concitoyens et nos amis, ils sont avant touts des êtres humains. Créatures rares et donc précieuses, qui méritent nos soins et notre considération. Les conforter dans leur maladie ou les considérer comme des monstres de foire serait d’un cynisme et d’un mépris insupportable et indigne ! En l’absence (momentanée ?) de thérapie, nous ne pouvons que leur laisser ouverte la porte de la réalité et de la raison en espérant qu’ils s’y aventurent…

Le problème vient plus du Sanchopansisme : il est toxique pour une société d’enfouir ses angoisses dans la folie de certain : cela ne fait qu’approfondir et multiplier les problèmes. Cela mène aux superstitions et aux fanatismes.

L’espoir véritable, ne peut se construire que sur une parfaite conscience de la réalité. Et lui seul peut nous prévenir de la dépression qui conduit au Syndrome de Perte de l’Ego, que nous avons tant de mal à soigner et pour cause :
En tentant de soigner des victimes de ce mal, nous nous sommes aperçu que ce qui était à la base une forme profonde de dépression devenait avec le temps transmissible ! Nous avons même traité le cas d’une victime ayant atteint le stade le plus avancé, revenait à lui mais été toujours atteint physiquement !
Ces faits peuvent paraître perturbants, mais ils nous permettent peut-être d’apporter un début de réponse à une question centrale.

Même parmi les personnes cohérentes, un grand trouble persiste du fait que nous avons perdu, pendant une durée indéterminée et sans doutes variable, la notion du temps.
Nous ne nous souvenons que de façon partielle et incohérente du grand crash.
Comme si pendant un temps, nous ayons perdu conscience et continué de fonctionner comme des automates, comme des zombies, comme des personnes atteintes du SPE !

Partant de là une théorie peut prendre forme : Durant le crash, une toxine, une arme bactériologique peut-être, s’est rependu. Elle aurait provoqué un black-out sur les masses qui y ont été exposée. Peu y ont survécut…
Le trou béant que cette arme a laissé dans nos consciences, dans nos mémoires, dans nos êtres serait la cause de la fréquence des troubles mentaux chez les survivants.

De nos jours encore, cette chose est partout. Elle profite d’une faiblesse induite par l’état dépressif pour vaincre nos défenses humanitaires et se déployer dans sa forme la plus violente.

Voilà en gros où en sont mes recherches.
Des questions ?

Le souci hélas c'est que le robot sort d'une fiction existe bel et bien, j'en ai eu confirmation.

Je peux te le confirmer moi même : il sort bien d'une fiction. J'ai même vu le film avec mon papa qui était fan. Moi j'avais pas aimé... Pourquoi "42" ?!?

Si son costume est bien fait, il sort peut être de la même caisse où le masque vogon isolé qui a été trouvé entre Sl et Poker Face. Au passage, sachant que ce film date du milieu des années 2000, ça prouve que le crash a eu lieu après 2004 ou 2005.

Le danger pour ce genre de victime du SDQ, c'est que s'il tombe malade, il risque de préférer se laisser mourir que de se soigner. Sinon il serait simple de le priver de nourriture, ou d'eau ou de médicament pour lui prouver qu'il n'est pas ce qu'il croit.
Il ne faudrait pas non plus qu'il se noie dans son costume s'il attrape la dysenterie.
...
...

Désolée, c'était de mauvais goût...

Si on commence à pouvoir dater le crash, trouver à quelle date nous sommes reste problématique. J'ai cependant une piste : Il semble que la "toxine du crash" qui a provoqué cette grande confusion chez les rares qui lui ont survécu, ai aussi eu pour effet de rendre quasiment stériles ceux qui ont (plus ou moins) recouvré leurs esprits. C'est un élément de plus en faveur de l'hypothèse de l'arme bactériologique : On zombifie à mort la population et, deuxième effet kiss cool, on stérilise ceux qui ont une résistance.

Depuis le crash, je n'ai pas pu constater de grossesses viables. Mais il semble que ce soit en train de changer... Toujours est-il qu'à la RSA et à Shangri-la on a put rencontrer deux petits garçons qui d'après les examens sommaires dont on est capable, ont pas loin de 10 ans. Ce qui indiquerai que la crash a moins de 10 ans.

Ce sont encore des construction théoriques fragiles par manque de donnés, mais c'est un début.

J'ai perdu le compte, Ali, mais je crois en effet que le crash aurait tout au plus cinq ou six ans, ce qui ferait que mon fils aurait le même age que ces deux petits garçons. Et pour avoir connu la période pré-crash, je confirme cette hypothèse.

Tous ceux qui captent cette fréquence et ont des éléments rationnels à apporter sont bien entendu invités à nous en faire part.

Nous avons constatés de nouveaux éléments :
Tout d'abord de nombreux témoignages, venus des quatre coins du désert, attestent qu'à de nombreux endroits jusque là stériles, la vie se développe à nouveaux ! Ce sont de nouveau biotopes ponctuels, grouillants de vie.

Nous vous confirmons aussi la naissance d'un enfant viable !

La vie s'adapte aux dégâts engendrés par le crash et sa toxine. La stérilité et la mort ne peuvent plus être considérés comme une fatalité.
Le biologique n'avait pas dit son dernier mot : la Nature est en train de gagner la partie !

Ton enfant est né Ali ? Un garçon ? Une fille ? Son prénom ? Oh je suis si contente !

Le ton démontre déjà l'envie de crier un hourra non feint

Les destins individuels et les difficultés de l'existence actuelle sont une chose. Mais l'important dans tout ça, c'est que la vie, animale et végétale, s'est adaptée d'elle même aux conditions post-crash.
Comme à chaque extinction de masse, la nature trouve des voies pour continuer et la vie pour prospérer.

Les faits, concrets et vérifiables, sont plus résistants que toutes les idéologies et que toutes les névroses.

Il y a peut être des automates ou des jouets télécommandés mais leurs "vie" n'est sans doutes qu'une illusion. Il est possible que quelqu'un derrière, ailleurs, fasse le marionnettiste. Il faudrait faire des tests.

La technologie est allé assez loin avant le crash. Nos radio-vidéo-phones le prouvent tous les jours. Il est possible que des inventions aient survécus. Mais les personnages directement issus des BD, des romans, de la télé ou du cinéma ne rentrent pas dans ce cadre.
Prenez la plupart de ces E.T. ou robots de l'espace, laissez-les sans eau, soins ou nourriture assez longtemps et ils en crèveront. Bien sur ce serait dégueulasse de le faire même avec leur accord : la majorité sont des malades mentaux qui y croient dur comme fer.

Mais à l'autopsie on ne tombe jusqu'ici que sur du très humain.


De mon côté j'ai avancé dans la datation du crash : j'ai rencontré un homme ayant une vielle facture d'électricité de 2006. Cette découverte se recoupe bien avec la datation du masque Vogon du film H2G2 qui faisait arriver le crash après 2005.
Mais combien d'années après 2006 ?
Je compte sur vous tous et toutes pour ouvrir l'œil au cas où une relique puisse nous en apprendre plus.

Pour la date de 2037... Pourquoi pas. mais quelle preuve matérielle avons-nous ? La théorie de la mode rétro est innovante mais nos éléments de datation indiquent clairement le début XIX. Le masque, le calendrier et surtout la facture ne me semblent pas être des objets d'une mode rétro. Les armes et les véhicules, n'ont pas l'air d'avoir une technologie incohérente. L'éventualité qu'ils soient tous l'œuvre de reconstituteurs des années 30, fans des années 00 me semble... manquer de bases pour le moment.

Et pour ce qui est de la durabilité des objets de cette période, elle était généralement pathétique. C'était un sommet de la société de consommation, du capitalisme financier tout puissant, des objets obsolètes ou bout d'un an. Ces objets, manufacturés à bas prix en chine pour la plupart était très nettement moins solides que ceux produits 50 ans avant.

Pour ce qui est du soupçon de Sancho Pansisme, c'est dur d'y échapper quand vous m'affirmez vivre avec un robot qui a besoin de manger, de boire, de médicaments humains et qui sort tout droit d'œuvres de fiction de la fin du XX siècle. Il faudrait pouvoir l'ouvrir pour vérifier, mais le malade que l'on risque fort de trouver à l'intérieur pourrai de ne pas s'en remettre !

Il va falloir renforcer votre témoignage par des faits concrets.

Tout ça me fait penser à une chose, je me demande s'il n'y a pas un indice temporel dans ces manifestations du SDQ. Je m'explique : ont été recensés : le Robot marvin et une vogone sorties de H2G2, romans de la fin du XX. AlF, venant d'une série TV de la fin XX. Spock, idem. le Rebelle, idem. Ruby Rhod, sortie du film "le cinquième élément" de la même période. On doit pouvoir en trouver d'autres.
Cette quasi constante chez les fictionnalistes pointe encore la même période.

Je vous remercie pour votre contribution qui a bien fait avancer le débat !