Morceaux choisis du "road trip" de Zoé/Delamort

Hrp: Forcément, sans l'intégralité, sans début et sans fin, sans connecteurs logiques ou indicateurs spatio-temporels, ces "morceaux choisis" se révéleront sans doute douteux. Particulièrement obscurs. Un drôle d'intérêt. Et quoi ? Qu'il en soit ainsi, car telle est notre bonne volonté.



Ça y est.

Plongés dans le noir, barbouillés du bouillon infâme, le chaos commence à s'installer, pour les deux survivants... Le vieux cheval décharge une infâme salve de crottin dans le bain, après le pandemonium aqueux et animalier généré par le chameau. Emiliano écume et hennit comme un dératé. Zoé, elle, s'est relevée avec stupeur, en serrant fort contre elle Delamort, qui fait bien deux fois son poids, le bougre.

C'est sûr, ils étaient peut être mieux sur un divan de la RSA, bite en bouche...


Transie de froid, la mignonne tremble de tous ses membres, et hoquète comme une enfant. Allons, c'est fini pourtant... Il n'y a plus aucun danger...

Enfin, presque.

Presque, car quelque chose émet un ignoble bruit de succion, du côté de son pantalon.


La main pleine de spasmes, l'autre tenant toujours Delamort par le col comme un bijoux précieux, ses doigts descendent et palpent sa cuisse.

Nom de...



Un autre hurlement strident de la bougresse perce l'obscurité boueuse, alors que ses ongles s'enfoncent dans de la chair molle et visqueuse... Oui, ils s'enfoncent, et tentent de retirer... Quoi, au juste ?



Une sorte de puce de mer munie de tentacules, aussi grosse qu'un ballon de rugby, au teint diaphane-orangé de vieille méduse desséchée...



Un coup de poing dans la bestiole. Puis deux. Puis trois. Puis quatre. De plus en plus forts. De plus en plus rapides.



« Humpf... Humpf... Humpf... Chinga tu... Chinga tu...humpf... Chinga... »



Des ennuis ? La pression des ventouses sur le pantalon diminue, et c'est une main vengeresse qui dégage l'affreux parasite loin de sa guibole... Dommage que, dans le mouvement, l'immonde larve a arraché des pans entiers du cuir, découvrant une partie de la bonne cuisse charnue de Zoé... Quelle puissance.




« CHINGA TU MADRE !! »




Splatch. Splatch. Splatch. La chose se fait abattre à plusieurs reprises contre le mur, et déverse une tonne de fluide douteux sur les deux survivants: du jus noir. Ben tiens. Et, telles de dantesques éjaculations, la substance vitale ébène du monstre recouvre nos deux compères, comme s'ils avaient pris une douche à la pompe à essence.

Une fois la charpie dégueulasse et poisseuse balancée au loin, Zéro colle subitement ses lèvres contre la bouche du mutant, en entourant son cou de ses bras fébriles. Effondrée contre son épaule, les muscles contractés qui palpitent encore de fureur et de peur:




« On...on va avancer...putain ouais...on va avancer...et s'trouver un coin au sec...putain ouais...j'sens...j'ai...j'ai les ch'tons...putain ouais...faut qu'je pisse là...on...on va avancer quand même...putain ouais...faut chopper la came et s'tirer vite fait... »

Zoé et Delamort sur le toit du monde, défoncés par une mystérieuse substance, plus que jamais couverts de fange, ruisselant littéralement d'immondices.
La borgne arbore depuis peu une ignoble cloque gorgée de pus noir au niveau de la cuisse.
Ils ont découvert, selon les dires de ZZ peu avant, la cachette des "pygmées d'l'espace chourraveurs d'sépultures".
*censuré inside*




Oh joie que de se faire inonder le corps en vrac d'une douce lumière violette, avec ce magnifique soleil bleu au zénith, et les nuages jaune pisse en frise le long de la pelouse verte pomme du ciel.

Il est ici, le coin au sec, pour Zoé. Et la *censuré* avance drôlement vers l'inconnu, à 140km/h.

Un sourire niais accroché au coin du bec, elle gonfle ses joues l'espace d'un instant, comme une grenouille, en regardant à droite et à gauche. Haussement d'épaule, alors que rien ne bouge, pour parler à toute vitesse, en mâchant ses mots plus que de coutume. L'air suspicieuse:

« C'pas l'pleine lune d'puta madre. On 'ra j'mais ces 'culés d'nèg'. »






Une carcasse d'hélicoptère complètement ruinée gît du côté de la piste d'atterrissage, tandis que, à l'opposé, vers le sud, se tient une sorte de bâtiment indescriptible vu d'ici.

La borgne fourre sa main pleine de crasse dans sa besace, et en sort un paquet de feuilles de coca enrobées dans du cellophane. C'est la pause déjeuner.

Elle l'ouvre avec les dents, avant de fourrer sa gueule dans les plantes qui dépassent, et de les bouffer comme une grosse vache. C'est sûr, toute cette histoire va immanquablement tourner à la vomissure.

La toxico fonce comme une furie vers l'hélico qui pique du nez (nez en miettes, cela dit), et commence à grimper sur le véhicule, en prenant toute sorte d'appui douteux. Un premier essai lui vaudra de goûter le goudron de la piste, avant qu'elle n'atteigne enfin le cul de l'animal, et lève les bras bien haut, sur son promontoire hasardeux, pour offrir, cheveux dégoutants au vent, deux doigts en V à l'horizon nébuleux.

Et pendant ce temps là, la cloque a triplé de volume...

Qu'est ce qu'ils foutent ici, déjà ?

[...]




Ça, c'était vraiment la meilleure. Une putain de blague comme on en fait plus. L'affreux jojo qui veut jouer les infirmiers de patiente carrément frapadingue. On aura vraiment tout vu.

Oui, certainement, elle aurait besoin d'un diagnostic, qu'on la mette dans un lit, sanglée, de préférence, voire même complètement emmaillotée dans une camisole en ferraille, avec un bâillon-boule fourré dans la bouche... Qu'on lui ausculte sa putain de cloque extraterrestre, ou dieu sait quoi d'autres... Ou qu'on l'euthanasie direct: ça ira plus vite, et la terre comptera, dans ses effectifs de déchets humains, un spécimen particulièrement gratiné en moins...




Sauf que, nom de nom, dans la réalité, de mémoire de junkie, on n'a jamais vu un truc pareil.
Alors Docteur, Chirurgien, Infirmier ou Boucher Delamort, c'est du pareil au même: ça craint un maximum. Et la jeune femme n'est vraiment pas du genre à se faire percer une papule géante et noire par un type qui a la ganache d'un Jack-o'-lantern exposé au napalm.

La borgne balance un dernier crochet du droit dans l'oeil d'Emiliano, avant de claquer la paume de sa main contre les doigts de l'irradié.

Elle est en sueur, aussi blanche qu'un cachet d'aspirine, et quelque chose semble vouloir s'échapper de l'immondice, à la vision des ondulations le long des parois de l'hideux bubon.

Elle meugle, en repoussant le mutant du mieux qu'elle peut; c'est un peu pathétique, d'ailleurs, vu le rapport poids/taille en jeu:



« CHINGA TU MADRE ! LAISSE MOI TRANQUILLE SAC A PISSE ! GROS DEGENERE D'TA RACE D'MIERDA ! »



Zoé reprend tout de même un semblant de calme, alors qu'une subite baisse de tension semble l'assaillir: obligée de s'asseoir, la borgne agrippe un barreau de l'échelle, balance sa tête en arrière, étend la jambe contaminée comme si elle avait une sacrée crampe, et serre les dents jusqu'à s'en exploser les molaires.


« GNNNNNNNMMMMPPPPPFFFFF ! »



Douleur intense, apparemment, pour notre héroïne.
Fait chier, on dirait une nana sur le point d'accoucher de triplés, les cheveux huileux complètement plaqués au crâne... On pourrait en faire de la végétaline.

En haletant, d'une voix faible:



« Laisse...laisse moi...continue...j'te...j'te r'joins... C'truc est en train d'me *elle se remet à hurler* POMPER LA MOELLE ! Y VA M'ASPIRER L'COEUR ! J'SENS SES TENTACULES DE PUTA MADRE DANS MON CERVEAU ! PUTAIN NAN NAN NAN NAN NAN ! GMMMMMMPPPPPFFFFFF ! »



Elle trouve la force nécessaire pour fouiller nerveusement dans sa besace. L'air tout aussi furax que mourante, la pupille claire, les veines du cou saillantes, à l'attention de son partenaire:



« DEGAGE J'T'AI DIT ! PASSE D'VANT ! M'REGARDE PAS CREVER OU TIRE MOI DANS LA GUEULE ! »

Fallait toujours qu'elle se fasse casser gentiment la gueule dans les pires moments.

La blague en bouche, ses narines se dilatent, son oeil vacille, alors que la masse du gaillard lui plombe l'estomac.

Et il perce la cloque, ce con, alors qu'une Zoé furibonde extirpe de sa besace une seringue encore une fois prête à l'emploi. Mais, comme un gros soufflé au fromage, l'intérieur au contact de l'air, la structure bubonique s'effondre en déversant à droite et à gauche quelques petits geysers pétrolifères et nauséabonds, alors qu'apparait, replié sur elle-même, contre la cuisse irritée et couverte de petits boutons d'aspects plus "normaux"...


...la progéniture de la chose de tout à l'heure. Oui, c'est le même type de puce de mer munie de tentacules, en plus petit, en moins vindicatif, voire carrément mort-né.

Cela dit, il n'en faut pas plus à Zéro pour enfoncer l'aiguille de son engin comme une tarée dans sa jambe-utérus, en libérant le piston. Sursaut, spasmes, et un cri qui se rapproche de l'orgasme, alors que ses muscles se détendent, et qu'elle n'oppose plus aucune résistance à son compagnon, pendant quelques secondes...

Seulement... Seulement...

L'épisode n'a pas l'air de l'avoir laissé indemne puisque, roulant légèrement sur le côté après avoir dégagé de toutes ses forces Delamort, là voilà qui commence à dévorer le nourrisson de l'affreux parasite, comme une chatte le ferait pour ses chatons ratés...

Allongée sur le ventre, échouée comme un dauphin qui se débat vaguement sur le bord d'un plage, elle donne de grands coups de dents avides dans les tentacules de la pauvre bête, comme si elle n'avait pas bouffé depuis la saint glinglin. Du jus noir plein la bouche, elle maugrée, sandwich en main:

« Va d'vant...ch'te dis d'aller d'vant...t'vois bien qu'chuis occupée bâtard...huuumpf... »

Panique. Métal. Panique. Métal. Panique. Métal. Panique.

Une loque.
Une véritable loque, en charpie, baignée dans son jus tiède de sueurs rances et froides, racle de ses ongles cassés quelques murs de bétons. Des murs de bétons déjà éclaboussés par le jaune pisse d'une peinture chimique, évoquant les grandes oeuvres modernes de jadis, conçues au nom de l'Atome et de sa foudroyante énergie.
CrRrrrRrrRrrrrRr...
Comme une craie rouge qui grince contre un tableau noir.
CrrRrRRrRRrRrr...
Et le compteur geiger qui s'emballe.


A la gueule, autant d'écume acide qu'aux naseaux d'Emiliano.
A l'oeil, autant de sénilité et de stupeur que dans l'orbite troublée de la vieille carne.
Les dents s'entrechoquent dans un ballet morbide, squelettes sous speedball s'épanchant d'une désagréable et mutilée salsa du démon.
Le coeur sous la poitrine semble vouloir faire exploser la cage thoracique et la plantureuse chair qui la recouvre, en mille morceaux mi-blanchâtres, mi-vermillon. Juteux et organiques.




Une course interminable de vieux monstre sur les rotules, les genoux à moitié fléchis, à inhaler un vieux chiffon, souillé de pétrole, imbibé d'éther.
Sept jours sans sommeil.
Sept jours de défonce industrielle.
Sept jours de labeur mécanique, à extirper du con de la terre en souffrance quelques minables gouttes de sa mouille fossile. Et d'autres choses moins avouables...



L'un des bouchons des bidons qui trainent derrière le cheval se retrouve mal fixé, et l'épaisse gadoue qui s'en échappe complète de sa balise poisseuse le triste parcours du petit poucet complètement siphonné.



Alors que l'ombre du partenaire s'allonge le long d'un pipeline au coin d'une intersection, Zoé Zéro s'en va en guerre, arc à la main, délaissant copieusement sa monture et son précieux chargement. Une flèche siffle aux oreilles du vieux bougre. Et ce sont bien des flammes, qui colorent la pointe recouverte par quelques bandes de tissu.

« D'LAMUEEERRRTTTE ! D'LAAAAMUERRRRTE DE PUTAAAAA MAAAAADREEE ! »


La silhouette de Zoé, courbée et hallucinée, est rendue parfaitement claire alors qu'une autre arme de jet s'illumine, à la rage d'une petite allumette... Petite allumette calée entre des lèvres gercées, et préalablement frottée contre un grattoir fixé à une bretelle de soutien-gorge...
Ses doigts sont tellement fébriles et irresponsables que la borgne manque de se brûler ou de faire tomber l'arc, alors qu'elle encoche non sans mal le projectile à l'endroit...

Et, même si elle veut sans doute viser la poitrine du mutant, ce sont les couilles, qui sont dans la ligne de mire du déchet humain en plein mauvais trip pyromane.

Sa voix ne ressemble plus à grand chose, si ce n'est au ronronnement mourant d'un vieux pot d'échappement de vélomoteur...mais qui cracherait des boules de feu, foutrement saoulé à la nitroglycérine...


« BOuGeu paS 'CuLÉ ! BoUGeu PAS oU J'TIReu ! baLANCeu MOI tOUTeu LA CAMeu DE PUTA MAdrE ! J'vEuX touT ! CLARO ?! »

« OOOoOoOUuUuUaAaAaAAaArrrRrRrRrrrrGgGgGgGGg ! »

Elle est dans un état, avec ses ecchymoses sur la tronche, et ses cheveux emmêlés qui obstruent parfois sa bouche rongée par les excès... Avec son coin de lèvres qui broute le bitume...
Mais la pute se débat comme un lion en cage, hurle de rage, essaye de croquer une oreille de Delamort façon Mike Tyson, sans véritablement arriver à ses fins.

Au bout de quelques minutes, elle semble reprendre son calme et fixe intensément Delamort, derrière sa paupière boursouflée et à moitié fermée. Oui, l'oeil n'est pas beau à voir, mais l'éclat de la pupille est bien vif. Peut être un peu trop, même. Elle finit par ne plus bouger d'un poil, et reste regarder le mutant, comme ça, sans rien dire, l'air grave, avec son orbite qui ne bouge pas et qui luit, et sa poitrine qui fait d'abords de grands bonds, qui finissent par s'apaiser...

Finalement, la tox' pouffe de rire, avant de sévèrement ricaner, jusqu'à l'hilarité totale. Sa langue frétillante lèche parfois une parcelle de canon.

« HiN HIN hIn, tu 'rrais ta tronche papa, HiN Hin HIN HIN hin hIN ! C'est mOcHe A cHiAlEr. 'd'rai un crétin d'crapaud.
Sprouik sprouiK. HiN Hin HiN HIN hIN Hin HIN ! Un crétin d'crApAuD QuI Qui QUI qui DaUbE L'ChIaSSe. Sprouik sprouik SpOUIIIIK... Hin HIN hIn HIN ! Et t'sais c'qu'on leur fout au crétin d'crapaud... Hein ? HiN HIN ! On LeUr 'fOnCeu UNE TEUBeu D'DYNAMITE bIen PrOfOnD DAns L'DeRChE... SpRoUIk SpROOOOUIIIK BOOOOOUM ! Hin HIN hIn ! »


La junkie arrête brutalement son rire dément pour retirer une tronche de trois mètres de long. Ses poignets gigotent un peu, alors qu'elle offre à Delamort quelques doigts d'honneur subtils.

« PD... Dégage ton jouet d'ma belle gueule. Putain ouais. Vous m'donnez tous envie d'gerber. C'est pas croyable d'être aussi moches, cons et sales. Putain ouais. »

Ah, qu'elle est absolument moite et pas vraiment franche, cette belle poignée de main. La borgne se cramponne aux épaules du mutant en grinçant des dents, maugréant un semblant de « chinga tu madre » particulièrement aigre et maussade.

Mais, la seconde d'après, voilà qu'elle enserre son collègue comme pour danser et, lui offrant un sourire de petite fille autant ravageur que ravagé, commence à se dandiner de façon on ne peut plus robotique, pour amener son très cher partenaire à suivre le mouvement.

Franchement pathétique, comme slow. Et c'est qu'elle lui tripote la fesse, en plus.

« NOoOoOoo QuIiIiIIiIERrRROOoOO Que Te VaAAAaAaAAyAaAAasSS ! LaaAa NoChE 'stá mUy FríaaaAAaaAAaA ! AbRiGAaAaMe En TuS BrAAaaAAZoOOoS... HaaAastAaAA qUe VuelVaAa el DIIiIIiIIIiIiAaAAaaAaaaaAaAaA ! HiN HIN ! HIN HiN hIn HIN hIN ! »

Les doigts abimés de Zoé attrape soudainement la nuque de Delamort, alors qu'elle arrête ses petits pas grotesques. L'oeil unique zigzague d'un coin à un autre de la pièce, pendant qu'elle lui murmure à l'oreille un doux miel de complot, à tartiner sans modération.

« Pas d'blague de puta madre. Sérieux. Y nous surveillent gringo. Y'a des cam'ras et d'micros partout ici, tu piges l'embrouille ? Reste tranquille. Putain ouais. »

La borgne se détache de l'irradié, et va chercher le bon vieux Emiliano, en train de vider sa vessie non loin. Zéro l'attrape par la bride et amène la pauvre bête jusqu'à Delamort. Elle commence à tripoter nerveusement le museau de sa mule décrépie, jusqu'à ce que celle-ci , agacée, menace sa maitresse en dévoilant tous ses chicots pourris. La pute couvre de papouilles presque indécentes l'oreille pustuleuse du machin censé servir de monture, avant de mettre ses poings sur les hanches, l'air sévère, et de siffler un coup à l'attention de Delamort, comme si elle avait quelque chose à lui reprocher.

« C'EsT VrAI Qu'T'As VoUlu BoUfFer LES ReInS D'EmiLiANO ?! TU SaIs Qu'Ça LuI FaIT TrES PEUR QuAnD Tu LuI DiS DES TRUCS D'PENDEJO DE C'gEnRE ?! Y vEuT PlUs AvAnCer Si T'ES d'VANt Ou DeRriErE ! »


Zoé prend un morceau de tissu accroché à la selle, et le balance comme une demeurée au visage de Delamort. En hurlant:

« UN p'TiT PeU D'éThER ?! »


Et merde. Elle est vraiment con. Et c'est bien possible.

Le petit cheval suit le mouvement tant bien que mal, en trimballant sa cavalière d'un pas pesant et engourdi. Le trot aura déjà bien du soucis pour se mettre en route, alors le galop, n'en parlons même pas. Oui, trimballer la tox', c'est bien le mot, car la voilà presque allongée sur sa monture, la tête chancelante contre le cou d'Emiliano, les seins gigotant entre ses omoplates. La pute somnole et se fait diriger à l'aveugle. Pour une borgne, c'est assez drôle. Encore heureux que la monture détienne un semblant de sens commun pour prendre la même trajectoire que celle du chameau de l'irradié: on aurait pas été dans la merde, tiens, s'il s'était mis à foncer plein sud.


Zoé et Delamort, ces deux charognards hirsutes, sentent si fort et si mauvais que les autres prédateurs du wasteland n'approchent pas à moins de trois kilomètres de la caravane merdique. Prenez une grosse poubelle remplie à ras bord de fruits de mer pourris depuis une semaine, versez six litres d'hydrocarbure dans la marmite, et vous aurez peut être une idée de la chose.

Son blouson de cuir sur les épaules, et une trainée de morve au pourtour des narines, la belle émerge de son coma froid. La température a considérablement chuté depuis leur départ de la RSA, et sans doute ne se sont-ils rendus compte de rien. Cela dit, pas de quoi chopper une pneumonie. Zéro tousse pourtant comme si elle avait la coqueluche, et un filet de bile verdâtre s'échappe d'entre ses lèvres, pour venir se coaguler sur la crinière punk d'Emiliano. Alors qu'elle peine à ouvrir son oeil encroûté, le mutant se gausse en roulant son pétard.



« HmMmmMMmmMM... »

…

« HmMmMMm... hMmMmMMMmmMmM... »



La borgne dégage ses pieds des étriers et roule péniblement contre le flanc de sa monture. Cinq doigts encore serrés sur la bride, son cul s'écrase dans le sable. D'un revers de l'autre main, elle se frotte nerveusement l'orbite valide avant de gratter les contours de son cache-oeil.

Mauvais genre, mauvaise mine, réveil fantôme.



« HmmMMMmmM... »




La junkie, en passant sa main à l'horizontale sous sa gorge, veut surement indiquer qu'elle est incapable de parler. Emiliano s'écroule à son tour, et elle appuie l'arrière de son crâne contre les côtes de l'animal. Visiblement, ces deux là n'avanceront plus d'un pouce. Mais, pourtant, après quelques secondes à contempler le ciel vide, la borgne se relève et fonce sur Delamort, pas plus avenante que ça. Neutre. Elle se ramasse la gueule un moment, comme ça, pour rien, mais arrive à maintenir le cap. La jeune femme ne se gène pas le moins du monde pour fouiller dans la besace de l'irradié, et récupére la radio confisquée au début de l'aventure. Elle s'en retourne et range son outil siglé Vault Z, avec son macaron semblable à son tatouage ventral, l'échange contre une boîte à biscuit, et se réinstalle...

…




Opium.


Quelques temps plus tard, le visage figé dans une expression extatique, la borgne racle pesamment les résidus de sa pipe avec un fil de fer, résidus qu'elle fourre dans une petite poche en plastique...

Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme.

En refermant la boîte à biscuit, elle offre un véritable sourire à Delamort. Pour la première fois, elle semble heureuse et, malgré sa dégaine pourrave, on dirait bien un ange.

Aux ailes vénéneuses.



« Hmmm... »


Et le joli sourire finit par faire froid dans le dos, tellement l'oeil est glauque. Comme mort.