La Commune n'est pas morte

Les enceintes se mirent à cracher. Une voix rauque, rendue grasse par l'excès d'alcool se fait entendre, babillant des trucs incompréhensibles. C'était le soir, d'ici peu de temps, le soleil allait se coucher, plongeant les bâtiments de la RSA dans l'obscurité, transformant progressivement les silhouettes errantes en ombres perdues, cherchant leur chemin.

Le saloon profitait encore des derniers rayons du soleil crépusculaire. Il est presque vide quand le Ranger y entre, poussant négligemment la porte entrouverte. Il était sensé rentrer chez lui, à la base. C'était avant qu'il n'entende le Sieur Delamort, manifestement bourré comme un coin, qui débitait des conneries alcoolisées dans le micro du saloon. Il était venu voir par simple curiosité, de plus, il n'avait rien à faire.

Il le trouva là, couché à même le sol, mort de rire.
Il était très bourré.
Le tabouret sur lequel il devait être assis quelques secondes plus tôt, était aussi au sol.
Un œil jeté rapidement sur les bouteilles lui fit comprendre que le vieux s'était pinté en solitaire. Et correctement en plus.

Il eut un rictus, bien que la situation ne lui parut pas cocasse, à lui. Il s'approcha du bar pour le relever. Quand il se pencha pour le prendre à bras le corps, il était toujours hilare.

Vraiment très, très bourré...

Avec effort, il parvînt à le remettre debout. Il titubait et menaçait de retourner copuler avec le sol à tout moment. Il remit le tabouret sur ses pieds et aida l'irradié à s'y rassoir. Alors seulement il se mit à parler.

-Drôle de chanson.

En dépit du degré inquiétant d'entendre Delamort chanter, et... rire, un rire caillouteux, ressemblant à une poignée de graviers qu'on passe au tamis, c'est les mains dans les poches que John entre dans le bar. Il regarde le duo des Rangers avec un sourire en coin, et fait le tour pour passer derrière le comptoir, sans un mot, un signe de tête en guise de salut pour Futé.

- Le RSA-Pony-Express est à la fête ce soir ? Vous fêtez une nouvelle ligne ouverte ? demande-t-il alors qu'il se penche derrière le meuble pour y trouver une bouteille de liquide pas clair.

Quand il réapparait, il tient deux godets qu'il distribue entre le Futé et lui, et leur accorde une rasade d'acool, et garde la bouteille inclinée, en invitation pour celui de Delamort.

- On dirait que vous avez besoin d'un remontant, vous tenez même plus debout.

Il fit un bond en arrière et manqua de tomber quand le Tsunami Alisha frappa l'irradié. Lui aussi avait reçu son compte de flotte. Dommages collatéraux, paix à l'âme du pantalon de Futé.

La tête que fit Delamort quand il reçut le plein seau d'eau.... Futé devait s'en souvenir à jamais. L'expression de stupeur stupéfiante et stupéfaite là plus parfaite. Il allait éclater de rire quand l'ex Doge se leva d'un bond pour courir derrière l'indienne.

Moins drôle. Instinctivement, il fit un pas vers la belle et le bourré. Ce qui suivit le frappa comme la foudre. Plus tard, il ne sut s'expliquer pourquoi il avait ressenti autant de colère. Sur le moment, il sentit comme un monstre dans ses entrailles gronder de fureur, lacérant tout son intérieur dans une rage des plus bestiales.

Gros coup de sang.

Il gronda de colère en se précipitant sur le vieux rouge. Alisha s'était évanouie et reposait dans ses bras ivres. Sans ménagement, aucun, il lui ôta des bras. Une poigne de fer qui repoussa les bras de Delamuerte el pistolero. Leur regard se croisèrent. Une rage sans pareille animait les yeux du Ranger. Une veine palpitait dangereusement sur une de ses tempes, prête à exploser. Son visage était blême d'une colère glacée. Si il s'était écouté à ce moment précis, Delamort aurait eu le nez fracassé d'un direct fulgurant. Et il l'aurait achevé au sol. A grands coups de Rangers. Mais il n'en fit rien. Il était complétement ivre, le vieux. Il aurait sûrement oublié demain. Alors il assit la belle sur une chaise, doucement, en faisant attention à tous ses gestes. Puis il se retourna vers l'irradié, mâchoire crispée et poings serrés. Un observateur minutieux aurait pu voir que ses phalanges blanchissaient, tellement il était crispé.

-Vous avez assez bu pour ce soir.

Voix suave et calme. Mais tremblante d'une rage mal contenue.

-Un dernier. Après je vous ramène. Ça m'étonnerait que vous arriviez seul chez vous.

Il avait résolument éludé la question. Pendant un instant, il semblait avoir dessaoulé, reprenant ses esprits. Regard glacial, air grave... Du Delamort tout chié. Il se retînt de regarder Alisha. L'ex Doge aurait pu profiter de ce court moment de distraction pour lui sauter dessus, ou pire, dégainer.
C'était ce détail qui préoccupait le plus Futé. Le revolver qui pendant dans le holster de l'ivrogne, à main droite. Il fit alors un immense effort et prit sur lui même cette rage qu'il ne s'expliquait pas. Et lâcha un maigre sourire.

-Putain... Vous êtes incroyablement bourré.

Il fit un pas vers Delamort et se plaça à sa droite, côté de l'arme. Il lui agrippa le bras, pour ne pas qu'il tombe et l'amena vers le Bar.

-La gueule de bois que vous allez vous payer...

Une nouvelle fois, il l'assit sur son tabouret, qui n'était pas tombé.

-Allez... John, une tournée s'il te plaît et... Un verre supplémentaire aussi.

Évidemment, celle que Futé et Delamort n'avait pas vue arriver de dos, John l'avait fait, de face. L'air furibard et le seau à la main avait laissé peu de place à l'imagination quand à la suite qu'Alisha escomptait donner. Mais son sourire n'avait pas bougé d'un poil, pas même pour avertir les Rangers.
Tout comme Futé, bien moins que son chef, John avait écopé de la lame de fond, transformant le devant de sa chemise en éponge froide, en dépit d'un léger pas de recul in-extremis, qui se voulait plus pour dire qu'il avait essayé, que comme une vraie tentative d'esquive.
Il se contenta d'observer le Vaudeville qui suivit, revenu à sa position initiale accoudé au comptoir, verre à la main. Archetype du barman détaché et observateur. Son propre instinct de défense éveillé par la réaction de Delamort, arrêté par celui du Futé qui semblait avoir les choses en main autant que faire se puisse. Aussi ne bougea-t-il toujours pas.
Au retour des Rangers, il sorti un troisième verre, et se retourna pour trouver une autre bouteille à entamer, dans la bibliothèque derrière lui.

- Hmm... Il faudra penser à ramener Alisha aussi, dit-il à l'adresse de Futé, sans l'air d'y toucher. Pas sûr qu'elle appréciera de se réveiller pleine de courbatures à avoir dormi ici. Surtout après un tango raté.

Il revint vers eux, et servit le plein au trio de godets.

Il venait de poser l'irradié à l'alcool sur son tabouret. Il avait à peine eu le temps de hocher la tête aux paroles de John, qu'il entendit la voix de la malheureuse victime de l'haleine scotch-betterave.

Il se retourna, oubliant les deux autres hommes. Il vit un majeur se lever, et la pauvre tituber dehors, à grand peine. Il soupira, les paupières closes, le temps de prendre une décision.

Et puis merde.

-Je vais la raccompagner. A plus tard.

Il s'était plus adressé à John qu'à Delamort, qui de toute manière de devait pas avoir entendu ou écouté. Il sortit du saloon, d'un pas rapide et eut tôt fait de rattraper Alisha.


(Suite en MP)

Il regarda l'Irradié quitter le saloon à la suite de l'Indienne et du Ranger, mais resta où il était. Futé serait certainement assez grand pour se débrouiller de tout ça, seul. Il commença à ranger un peu, mais sa main hésita au-dessus des trois verres, dont le sien qu'il n'avait pas touché.

Une second plus tard, il quittait le saloon à son tour, en ayant laissé le chantier en place.

Elle lui tombe littéralement dans les bras.
Oh non!
Ici pas de romantisme à l'eau de rose! Non, elle lui tombe littéralement dans les bras. Heureusement que le militaire est solide, sinon la belle aurait pu se faire mal.
Elle pleure, elle hoquète. Ouah... Une pelle de Delamort, c'est mortel. Pire que le cyanure ou le crack, ça vous démonte complétement.

Elle tourne la tête juste à temps pour éviter à Futé une situation des plus embarrassantes et odorantes. Il grimaça en sentant un haut le cœur lui venir.
Oui, le vomi, ça le faisait gerber.
En bon gentleman, il sort un mouchoir en tissu inutilisé de sa poche et lui tend, petit sourire aux lèvres.

-Chez moi, en tout cas, c'est chez toi. Tu as besoin de dormir. Je te laisserais le lit.