Une justice mise à pied

Dans son bureau elle fixe son plan de production pour la lune en cours, actuellement toute action compliquée devenait difficilement réalisable, envoyer un groupe au bois relevé de l'exploit, alors organiser une interpellation... Elle avait beau se pencher sur la question, elle ne voyait personne de confiance hors mis les siens, pouvant prendre les responsabilités de la ville le temps de l'interpellation. Pour des raisons de sécurité et parce que le sang avait déjà bien trop coulé à la RSA, il était clair que la capture ne pouvait pas se dérouler en ville, mais ce choix justifié avait des conséquences. Alors qu'elle est plongée dans ses pensées, la porte de son bureau s'ouvre dans un grincement, sans que l'on ait frappé et la personne qui se tenait devant l'entrée entre sans y être invité non plus d'ailleurs, sortant brusquement May Lee de sa méditation. D'un pas décidé, cette personne qui n'est autre que Jo vient s'asseoir en face de May, effectivement rien d'anormale jusqu'ici quand on sait que la cavalière ne frappe que dans les gueules, s'en suit une longue discussion entre les deux femmes.

La jeune Doge a beaucoup à perdre ici et elle le sait, malgré tout, la proposition de Jo est la meilleure et ses arguments sont juste. Elle passe quelques minutes à réfléchir puis elle se lève.

Ok Jo, je vais te faire confiance... Je... J'espère ne pas me tromper, mais je suis convaincu que malgré tout tu es derrière moi... Je laisse Kira ici... Et Yuki, je compte sur toi.

Le groupe est près, tout a été étudié pour que ça se passe bien à l'extérieur, elle tend les clefs de la ville à la cavalière qui la rassure, sans doutes qu'elle comprends très bien les inquiétudes de la jeune femme, sa position.

Très rapidement le groupe se met en place à l'entrée de la ville, l'ancienne juge est dehors depuis quelques minutes, elle semble agitée, la RSA n'a plus de droit à l'erreur, une nouvelle bavure serait très mal perçu par Shangri-La qui semble se calmer et à qui elle a promit une arrestation dans les règles de l'art... Ou pas...

Un dernier briefing est organisé avant l'ouverture des portes, personne n'a autorisation de tirer sur la juge, la commandante de la garde insiste sur ce point, elle semble même s'adresser plus précisément à Cali la jeune sauvageonne des Chacals. Il est vrai que les membres des Chacals sont silencieux et d'une discrétion hors du commun, trop parfois, mais le groupe est plus qu'efficace en toutes circonstances et extrêmement soudé.

Rapidement après l'ouverture des portes le groupe sort sans bruit, il se met en position, Blaz qui les accompagne depuis un moment dans la défense de la ville suit sans aucune peine, comme s'ils se connaissaient depuis longtemps. L'attaque est lancée, May Lee s'avance en direction de Yi Bei sans effet de surprise, le tout est que personne ne soit blessé. Un coup de feu est tiré en l'air dans le dos de Yi Bei qui se retourne... Oui c'est là que ça commence à déraper... Une arrestation dans les règles de l'art? Ouai mais bon ce n'est pas simple, d'ailleurs on peut distinguer la jeune asiatique sortir un lasso de son sac, derrière une Yi Bei attirée par le second coup de feu tiré. Du premier coup la jeune femme arrive à entourer la combattante, qui malgré son absence totale d'émotion semble se sentir prise au piège et se débat. D'un coup sec May Lee tire violemment sur la corde qui se ressert un peu plus sur le corps de Yi bei, venant immobiliser ses bras contre ses cotes. La Juge tiré par une May-Lee énergique s'affale au sol se faisant trainer sur quelques mètres, un rapide signe de tête et la troupe saute sur la future esclave bien amorcée, qui se débat toujours la bave aux lèvres. En quelques secondes l'ex juge est dépouillée de ses biens, mais celle-ci se débat toujours, elle va même jusqu'à se relever. Énervée May-Lee s'avance rapidement vers elle pour lui balancer un violant coup de genoux bien appuyé dans le ventre, étalant ainsi de tout son long l'esclave maintenant totalement soumise. May s'adresse à son groupe:

Ficelez-moi ce gros boudin qu'on soit pas emmerdé pendant le transport!

Ce qui ne prend pas plus de deux minutes au groupe qui s'en retourne en ville trainant au sol la juge fraichement limogée.

Il y'a des mois de ça, elle avait promis à May Lee. Promis quoi? C'est son affaire. Il y'a des mois elle a promis. Au fond, c'est quoi une promesse : les promesses n'engagent que ceux qui y croient... Tout ce qui compte, c'est Tamarie, le reste, rien à foutre. Assurer quelque chose qui ressemble à un avenir, pour Tamarie; lui permettre de vivre le plus longtemps possible dans un monde où l'espérance de vie dépasse rarement deux semaines et demi... Elle y pense, en faisant jouer l'anneau des clés autour de son doigt; en le faisant mouliner, tandis que la nouvelle Doge se relève.

"Mon groupe est près, on se retrouve après la capture... D'accord?"

"Okey, Mel... Roule."

La blonde s'éloigne; laissant l'intégralité de la ville, défense, réserves, portail, aux mains de la Marshall... La Marshall complètement détraquée... La Marshall aigrie des refus de l'asiatique, sur un tout autre sujet les concernant toutes les deux... Occasion rêvée : foncer aux dépots, s'emparer des drogues et des boissons de combat, les ecsta, les redbull... Distribuer assez de vivres à son propre groupe, et repartir pour Shangri La, seul endroit où au fond, la gosse est réèllement en sécurité. L'idée la travaille, et la tenaille aux tripes. Bon Dieu, mieux encore : consommer les ecsta, ou les redbull, laisser May Lee dehors, et attaquer, la prendre au dépourvu... Les massacrer pour récupérer le flingue... Les prendre au dépourvu, avant et après la nouvelle lune.

La Doge est déjà partie. La Marshall sort du bureau à son tour, toute à ses considérations. Elle fait toujours tourner les clés dans sa main, en marchant d'un pas décidé vers les réserves de la communauté. Visage fermé, ne trahissant aucune émotion... Visage fermé qui se crispe, soudain, alors que la rangée des dents du haut vient frotter violemment celle du bas : "promis à May Lee." Ouais, promis à May Lee... Et Tamarie alors? Tamarie... Et bien Tamarie, elle s'y prendra autrement...? Elle s'est toujours débrouillée pour la préserver, jusqu'à maintenant, pas de raison que ça change. Elle passe devant le dépôt des réserves, sans s'arrêter. Dommage, elle aurait bien offert le gode longue vue à Alisha... Mais passe.

Elle fonce au mirador d'entrée; "promis à May Lee." Le mirador qui surplombe le grand portail. Elle fonce, grimpe les barreaux rouillés de l'échelle, en hâte. Yi Bei lourdement armée, Yi Bei habituée à tirer : y'a moyen d'avoir au menu de la gelée de Chacals, si on y prend pas garde... Les cartouches de l'arme de la juge : du 357 magnum; de quoi te faire voler la viande en éclat; t'en prends une dans le buffet, t'as les reins qui ressortent dans ton dos avec des bouts de colonne vertébrale. T'en prends une dans le genoux, ta rotule fout le camp à pétaouchnock, avec en prime des morceaux du bas de ta cuisse... Yi Bei lourdement armée, foutue de blesser gravement May Lee, et la proximité des tarés de feu Macchu Picchu, foutus eux aussi de tomber sur le groupe à l'extérieur, ou sur le taudis... Putain, tu parles d'une mission de merde.

Angoissée, maintenant, elle se plaque contre la rembarde de féraille du mirador d'entrée, jumelles au cou, flingue chargé en main. En contrebas, l'asiatique et sa troupe progressent vers la juge; coups de feu épars, l'envoi est donné... La cavalière plie son coude, sur le parapet d'acier pose le canon de son six coups sur son avant bras; se stabilise, prête à déquiller... Que ce soit la juge cinglée, ou un groupe de téméraires connards, venus faire chier dans les environs... "Okey, Mel... Maman Kieffer couvre tes fesses..." L'idée la fait ricanner un peu... Tu m'étonnes... Maman Kieffer...



Quelques instants plus tard, les interpellants et l'interpellée sont de retour au portail. Net et sans bavure. Du haut de la tourelle, la Kieffer balance un coup de pied sur le levier d'ouverture de la porte, dont le mécanisme antique commence à s'activer, en grinçant... Faudra penser à huiler tout ça... L'arme toujours au poing, elle s'agrippe à un montant de l'échelle, coince ses pieds sur les deux longues barres de fer perpendiculaires aux barreaux, et se laisse glisser jusqu'en bas. Inutile de regarder sous l'imperméable posé sur ses épaules, dont les pans volent, pendant la glissade : elle a mis un pantalon, dessous.

*POC*

Ses pieds touchent terre. Portail grand ouvert sur May Lee, sa bande, et la captive... Silencieuse cavalière. Juste un clin d'oeil à l'attention de la doge, alors qu'elle lui lance les clés à la volée.

Arme au holster; temps de souffler, tout s'est bien passé. Elle prends même le luxe de passer une main coquette dans ses cheveux, histoire d'applatir un peu les frisettes et les mèches rebelles... Peut-être parceque May Lee est là? Va savoir... Prendre un verre au bureau? Un verre... Ben voyons, si en plus tu la prends par les sentiments, c'est sûr qu'elle se sent plus, la cavalière...

"Un verre? T'vas faire tomber la bouteille, vieille crochue. Un verre c'est pour les p'tites bites dans l'genre Futé, ou Jess."

Est-ce que quelqu'un, en dehors de l'asiatique, aura remarqué comme la marshall, en riant et en lançant ses vannes idiotes, pose sa main sur la hanche de May Lee, en commençant à marcher vers le bureau? Pas sûr... Il faut dire qu'elle le fait vraiment l'air de rien... Presque innocemment.

Et comment que l'autre aime le whisky, vu ce qu'elle s'envoie dans le cornet depuis qu'elle est arrivée... Ca doit commencer à se sentir à son haleine, d'ailleurs, et aux coins de ses yeux jaunis... Mais pour l'heure, elle suit la Doge jusqu'à son bureau.

"Ca roule bichette... Heu... Doge."

Ricanne connement, en passant l'encadrement de la porte, sa main toujours posée sur la hanche de l'asiatique... Un verre au bureau. Pourquoi au bureau? Y'a le saloon, sinon... Là forcément, tu penses bien que la cavalière commence à se les faire, ses films...

Les deux jeunes femmes passent la porte, May fait signe à Jo de s'asseoir, elle fait de même en face d'elle. Elle pose les clefs de la ville sur le coin de son bureau et sa main se dirige en direction du tiroir gauche de son bureau, elle en sort une bouteille de whisky de qualité moyenne et deux verres qu'elle pose en face d'elle, elle les remplit jusqu'en haute.

L'Delamort avait du oublier ça, j'aime bien m'en boire un verre ou deux après une bonne journée... Ça fait trois lunes que j'en ais pas bu...

La jeune femme prend un des verres qu'elle tend à Jo avec un sourire, ensuite elle lève son verre au-dessus de sa tête. En deux gorgées elle descend le verre sans rien dire, sans même grimacer... Qui aurait cru que la jeune Doge au teint si impeccable, hors mit la crasse qui s'installe en fin de journée avait une telle descente. Elle se ressert aussitôt un verre.

T'as pas eu envie de les garder? Tu pouvais facilement entuber la garde de la ville hein!

Lorsque la jeune femme dit ça, elle fait un signe de tête en direction des clefs pour lui montrer de quoi elle parle.

La cavalière prend son verre, y trempe ses lèvres... Elle ne le descend pas aussi rapidement que la doge. Trois lunes que May Lee n'en a pas bu? Pour la Kieffer, ça doit faire trois heures, tout au plus... Quand tu vois le contenu de ses petits déjeuners, au réveil, tu te demandes encore comment elle est pas morte, le foie mariné comme de la daube de boeuf...

"Moép'... L'a du oublier..."

Elle vide le verre d'un trait, finalement, et le fait claquer sur la table. Une petite grimace, elle plisse les yeux et le nez... Grimace qui se poursuit, alors que la Doge l'interroge, en lui désignant les clés. La marshall soupire.

"Les clés? J'y ai pensé. J'ai pensé t'laisser pourir dehors l'temps que j'prenais les réserves... Puis vider l'armoire des drogues, bourrer a la redbull Alisha, Zoé et compagnie, et t'tomber d'ssus tant qu'vous étiez pas encore équipés. J'ai pensé à faire ça en fin d'lune, et 'vec l'aide des ecsta. La garde y passait. J'récupérais le Deagle, qui m'assurait d'pouvoir mieux protéger la gosse... Mouaip. J'y ai pensé."

Elle scrutte le fond de son verre, dont elle caresse les bords, du bout de son index; murmure : "J't'ai promis quéqu'chose... Pour moi ça compte. Faut croire. Plus qu'le reste."

Elle lâche le verre du regard, penche sa chaise en arrière, pour croiser ses jambes sur la table, et d'un ton plus enjoué :

"Bordel ! J'aurais quand même du prend' le gode longue vue pour l'offrir à Alisha."

Et de ricanner connement.

Devant le verre vide de Jo la jeune femme ouvre la bouteille et lui en verse un deuxième. Elle prend ensuite le siens qu'elle lève devant ses yeux contemplant la couleur du liquide.

Ouai t'aurais pu!!! Mais... L'aurait fallu qu'vous soyez rapide... Y avait plus d'Red dans la réserve, Porta était resté en ville pour veiller sur la môme... Mon chameau était chargé de vivres....

La jeune femme boit une gorgée de son verre.

Un jour je vais m'faire démolir... J'espère que ça sera pas par toi... Et surtout... J'espère que j'emmènerais pas Kira avec moi... Quoi qu'il arrive, on se défendra... Je sais que personne n'est intouchable j'ai tué, un jour ça sera mon tour...

C'est comme ça, on se bat tous pour conserver le peu de pouvoir qu'on a... Chacun en fait ce qu'il veut, l'utilise plus ou moins à bon escient, défend ses objectifs... Ouai! Tu vois peu de gens savent s'unir, des fois ça sert, d'autres fois non... Et on a souvent peur de faire confiance, parce qu'on connait les risques, on sait ce qu'on peut perdre et on n'a pas envie de perdre le peu de choses qu'on a...

La jeune femme s'arrête de parler et reprend une gorgée de son verre bientôt vide.

D'un trait, elle vide le second verre; esquisse une grimace, les yeux et le nez plissés, et soupire son haleine chargée des effluves de l'alcool fort...

"C'que j'essaye d'te faire toucher du doigt... C'que j't'ai pas niquée là, 'lors qu'y'avait larg'ment moyen... Que j't'ai pas baisée pa'c'que j't'ai promis. Est-c'qu'au moins t't'en rends compte? C'que ça veut dire quéqu'chose pour toi? Ou c'pas important et t'en as rien à foutre?"

Elle retourne son verre vide, sur le bureau, et se relève.

"T'as choisi un mode de vie. Pas vraiment mieux que l'mien. C'sûr, tu finiras par crever... Un jour t'arriv'ras pas à butter l'connard en face, et c'est lui qui t'descendra. Mais c'connard là... Ca s'ra pas moi."

Elle se dirige vers la sortie, passe l'encadrement de la porte, et lance par dessus son épaule :

"Ca s'ra pareil pour moi."