I need a drink

C'était le lendemain de son arrivée, c'était la fin de la journée et les citoyens de la R.S.A rentraient du travail. Harry se mêlait au flot des citoyens, se laissait porter par le courant, espérant qu'il finirait par échouer dans le rad local. Cela ne manqua pas d'arriver. Il faut dire que les Dead Horse Saloon ne manquait pas de présence avec son écriteau massif et sa carcasse de voiture sur le toit.

Le temps de trouver l'entrée et il s'accoudait au comptoir. C'était un homme différent qui traversa la salle, différent de l'épave arrivée la veille, ses cheveux étaient coupés, sa barbe rasée de près, il marchait droit, stoïque, dans un costume noir et blanc, tâché et usé par endroit, certes, mais en meilleurs états que les loques qu'il portait en arrivant. Seul ses cicatrices, et quelque chose dans son regard, restaient inchangés.

Il chercha un barman des yeux, impatient de boire autre chose que de l'eau.

H.R.P : s't'ouvert à tous bien sur.

C'est une Zéro en blouson de cuir ouvert, comme celui qu'elle portait lors de sa visite de "courtoisie" chez Delamuerte, tatouage ventral visible, qui débarque au Saloon: surprise générale, sans doute.
Elle progresse d'une démarche hasardeuse, l'oeil rougi, la pupille terne, et, alors qu'elle franchit l'entrée, se met à lever les bras bien hauts, pour signaler deux beaux doigts d'honneur, à l'assemblée. Le ton est donné: elle n'a pas l'air fraîche, ni fine. Pour changer.

Avisant l'anglais au bar, qu'elle voit pour la première fois, elle attrape violemment un tabouret à l'autre bout du rade, pour l'amener près d'Harry, en faisant frotter les pieds du siège contre le parquet, pour bien emmerder tout le monde, et le poser de la même façon: plus que bruyante.
Une fois hissée dessus, elle lève une jambe et pose la cheville de sa ranger en travers du comptoir. Un bref coup d'oeil au blondinet, gueule sinistre de rigueur, avant de sortir des poches intérieures de sa veste un bang et une bière: la douille est posée sur le bar, alors que la borgne éclate la capsule de bière sur un coin de bois, et commence à sucer goulument la mousse qui s'éjecte du goulot à moitié fracassé. Visiblement, celle là n'a pas l'air de prendre les conso du Saloon...

Après plusieurs gorgées, Zoé fixe le visage abîmé de Stinson, en faisant tinter ses ongles sur le verre, non sans avoir détaillé très brièvement son allure. Un coin de ses lèvres se retrousse, et une voix aux résidus chantants, désormais éraillée, retentit:

« ¿Hablas inglés, gringo? »

La borgne ricane deux secondes, avant de tirer à nouveau une tronche de trois mètres de long.
Humour mexicain, sans doute.
Son oeil commence tout de même à s'attarder sur le costume d'Harry, et semble l'analyser avec une soudaine attention... Même si, à en juger sa face lugubre, cela n'a pas l'air de faire naitre le moindre sentiment chez elle, son regard persiste et accroche le vêtement.

Le bruit lui vrille le cerveau, les pieds du tabouret n'en finissent plus de racler le plancher innocent. Il ne se retourne même pas, il ne veut rien savoir. Puis finalement le tabouret s'arrête à côté de lui et une mexicaine pose son cul dessus.

Il a rien contre les mexicains, lui, pensez bien, il est New Yorkais. Alors, il ne dit rien et continue de chercher un barman des yeux. Ce lâche a dû se planquer sous le comptoir en la voyant débarquer.

C'est l'odeur qui force son attention, l'odeur rance de l'eau croupis d'une pipe à eau, posée non loin de lui. Alors la métèque se came, hein? Pourquoi pas. Mais lui, il veut boire. Elle dégaine une bière et la dépucèle sur le comptoir, pour la première fois, elle a son attention. Regard dur et froid, échange silencieux, il se demande d'où elle sort cette bière. De son orbite creuse?

Toujours pas de barman. C'est un scandale. Et pas un seul client pour s'en plaindre. Ils sont tous là, avec leurs consommations. Plus la bière de la métèque descend, plus la main droite du ricain se met à trembler, il finit par la plaquer au comptoir avec la gauche.

Finalement, elle lui parle. En espagnole. C'est comme un coup de poignard. Il pense au Galicien, il pense à Galicia. Sa mâchoire se contracte, il s'en fait mal au dent. Il sent le regard de la mexicaine sur l'étoffe de son costume.

"Si, señorita."

Il tourne sur son tabouret, pour lui faire face.

"Where can I get some?"

Et du regard, il désigne successivement la douille et la bière.

« Señorita... »

Cette fois, la borgne sourit en coin. L'accent new-yorkais a l'air de l'amuser. Elle jette un coup d'oeil glacial derrière le comptoir, en s'arrachant presque la cornée, pour quitter la vision du costume. Sa main plonge à nouveau dans les poches intérieures de sa veste, pour y dénicher une seconde bière, et la poser près des doigts d'Harry, sans la lâcher pour autant.

« Ya know, I'm drinking mi cerveza like a fucking pussy de puta madre cuz' I don't trust los mothafuckaz del barrio. Gringos locos spit venom and disease in da fuckin'drink. »

C'est sûr, ce n'est ni l'accent new-yorkais que l'on peut entendre autour des machines à café dans les hauts buildings de Manhattan, ni sa langue maternelle, à priori... La "métèque" parle à la même allure, débit assez rapide, comme si elle n'avait pas besoin de faire d'effort pour trouver ses mots.
Elle se détache de la bière pour la pousser définitivement vers Harry d'un petit coup de phalanges, avant de sortir un briquet plastique de sous son cache-oeil, et échanger sa propre bière avec la douille.

« And cuz' I'm high... »

La borgne fait tourner le briquet autour de ses doigts rapidement, fixe la brûlure d'Harry sans broncher, avant de le poser à côté de la binouze du voyageur. Elle plaque sa petite bouteille de flotte modifiée contre son bide tatoué, et soupire. Elle semble se détendre légèrement, ses épaules retombent... Sa paupière se plisse pour ne plus laisser voir qu'un minuscule fragment de regard, cette fois rivé dans les yeux du garçon.

« Ya know, you look like "da stranger" de puta madre, in an old retro-movie, whitey... Already dead. And dead men tell no tales... »

"Sure."

La bière est devant lui. Elle a pas l'air fraîche. Mais y'a une capsule. Ça symbolise beaucoup de chose, une capsule. S'il l'ouvre, ce sera sa bière et personne n'aura craché son venin dedans. Le concept lui plaît bien.

Là dessus, elle s'excuse d'être défoncé.

"No problemo."

On l'est tous. Le briquet tourne entre les doigts de la chica, et il claque en atterrissant près de la bière. Lui, il prend la bière. Un coup sec contre le comptoir, et la capsule s'envole. Il tend la main pour la rattraper. Boire, çà c'est son truc. Il lève la bière a ses lèvres, elle coule, elle est tiède.

Quelques décilitres plus tard, il la repose. Il avait oublié le goût de la bière. Il ne connaissait plus que la liqueur de champignon, la vodka et le whiskey qu'il servait à New Vegas. Mais une bière, çà c'était nouveau. Du neuf, il en a besoin pour se changer les idées.

Il fixe une lueur dans l'œil de la borgne.

« Ya know, you look like "da stranger" de puta madre, in an old retro-movie, whitey... Already dead. And dead men tell no tales...


Dead man met sa main dans sa poche intérieur. Il répond avec une voix rauque, volontairement forcé.

- Agree... But there's always something to take on a dead body.

Il prend un paquet de blondes dans sa veste. Quatre clopes se battent dedans. Ça vole jusqu'au comptoir et de ses longs doigts fins, il en tire une, et avec le briquet en plastique, il se l'allume, avant d'envoyer le paquet vers la métèque, avec un "petit coup de phalange".

"L'barman tourne. Poste provisoire, on en cherche un officiel."

Ton assez peu aimable, d'une connasse couverte d'un lourd manteau, trop grand pour elle, et simplement posé sur ses épaules. A la suite de la "déclaration informative", une bouteille de whisky bien entamée vient écraser bruyamment son cul sur le comptoir, à coté d'Harry... Et déjà, la demeurée s'est installée sur un tabouret; le blondinet se retrouve entouré des deux brunasses. Pas de bouchon, sur la dîte bouteille, qu'elle pousse d'un revers de main devant le pseudo américain, sans le regarder... Elle fixe vaguement l'absence de barman, pour l'heure... Bien que la foule des connards bruyants, autour, soient quasiment tous pourvus en bières, ou en alcools divers et variés, distillés de manière très peu écologique et naturelle par les ruffians locaux. Elle grogne, entre ses dents :

"J'suppose qu'c'est pas les activités touristiques locales, qui t'emmènent dans l'coin, blondinet..."

La marshall penche un peu sa tête en avant, et sans regarder Harry, fixe la Zoé, de l'autre coté du propre personnage. Un regard mauvais; qui ne contribue pas à rendre sympathique son visage crispé...

"Dis moi pas qu'c'est les gonzes en costumes d'bourgeoss', qui t'attirent, Oeil de Lynx..."

Ping pong. La mexicaine donne un petit coup de semelle dans le paquet de clopes d'Harry, pour lui renvoyer la balle, sans prendre de blonde. Elle étend le bras pour reprendre son briquet. Avise l'arrivée de Jo Clay d'un oeil glauque, avant de porter la bouteille à ses lèvres, et d'embraser la douille, déjà remplie.

Après s'être enfilée les vapeurs, l'eau glougloutant, elle met la tête en arrière, et fait des va-et-viens de mâchoires, en comprimant sans doute sa respiration, avant de recracher la lourde fumée à l'odeur de marijuana écoeurante, en direction des deux piliers de bar.

« Nice suit. Clase preferente.»

Elle penche son visage groggy de côté, pour capter la gueule sinistre de sa comparse.

« Putain ouais. J'aime c'qui est classe et chicos, pas les guenilles d'clochards à trois pesos qui daubent la chiasse... T'sais bien qu'ton imper' a d'la gueule, mais t'sais aussi qu'c'est c'qui y'a d'dans, qui m'fait bander, Jo Cla'. Alors t'inquiètes pas, chef, y'a pas d'concurrence sur les deux matos de puta madre... »

Elle en revient à sa bière, et au costume d'Harry.

« So... Dead man. Give da ciggy to my boss. »

Harry regarde droit devant lui, son paquet d'clopes s'arrêtent pas loin, et manque de se faire écraser par la bouteille qu'on lui colle devant le nez. Maintenant, il est encerclé. Pour la peine, sa blonde se met à brûler très vite, alors qu'il tire latte sur latte, jusqu'à ce qu'une tige de plusieurs centimètres de cendres menace de s'écraser au moindre mouvement de ses lèvres.

Les activités touristiques? Qui ferait le touriste dans son propre pays? Il répond pas. Il préfère écouter le glouglou de l'eau filtrant la fumée.

Un instant, les visages disparaissent dans le nuage opaque, blanc, et puis çà se dissipe. Il a connu pire comme situation, bien pire que d'être encadré par deux brunes, aussi dangereuses soient elles, mais il n'a pas le moral, pas la force de faire front. Alors il prend la bouteille de whisky, et en verse une partie dans sa bière, à moitié vide. Il s'en fout du goût, lui, il veut l'oubli.

La bouteille revient sur le comptoir, et le paquet glisse jusqu'à Jo Clay. Il veut pas d'ennuis. Il fait ce qu'on lui demande. Et il le fait en silence, sans la moindre expression. Tout juste un sourire quand on complimente son costume. Et pourtant, il adore ce costume.

Il continue de fixer devant lui, pose sa "ciggy" à même le comptoir, étalant ses cendres sur le zinc, et recommence à téter sa bière-whisky.

Le paquet qui glisse jusqu'à elle : trop polie pour refuser... Des clopes d'avant, comme les siennes? Peut-être pas ce luxe là, mais clopes tout de même... Et comme pas ses propres clopes, celle là, elle va pouvoir prendre le luxe de l'allumer. Elle tire une cigarette du paquet, sans un "merci" : l'échange est entendu et correct ; un peu de gnole contre une sucette à cancer, pas la peine de s'étaler en politesses inutiles et chiantes. De la poche intérieure de son imper', la cavalière tire une allumette, qu'elle craque contre son pantalon... La tige de bois s'enflamme, et vient allumer la tétine coincée entre les dents de la miss.

Respecter le silence malheureux du malheureux... Elle a suivi l'histoire, vaguement... La petite Galicia, le monsieur Harry. Une connaissance, apparemment. Une amie? De la famille, peut-être? Va savoir... A vrai dire, peu lui importe, sur le moment... La Kieffer tire sur sa clope, inhale la fumée, et la recrache par les naseaux... Renvoie d'un revers de la main le paquet vers Harry, et se décalle un peu, de trois quart, vers la face légèrement tournée vers Harry et Zoé.

"Ouais... Y'a pas d'embrouille, sur c'coup."

Avec sa délicatesse habituelle, la clope coincée entre ses dents, le visage figé dans une grimace pas vraiment descriptible, elle pose ses doigts sur le col de l'américain... C'est vrai qu'il a un beau costume... Elle coince la toile entre son pouce et son index, la caresse un peu, marmonne à l'attention de Zoé :

"Hep, l'monsieur a b'soin d'se détendre... Touche-z'y un peu l'paquet, ça l'mettra à l'aise."

Touche-z'y un peu l'paquet; autrement dit : Zoé, caresse les couilles de Harry... Putain, tu le crois ça? Et l'autre tarée, qui continue d'admirer la finesse du costume, en machônnant toujours le cul de la cigarette, allumée, pour une fois.

"Mais t'm'as pas répondu, blondinet... Qu'est-c'qu'y t'amène dans ce... Beau pays si prometteur, où qu'règnent les lois, et qu'les rivières d'or s'jettent dans les cascades d'whisky? Hein... D'la famille? Des amis? P'têt' une amoureuse?"

Ca la fait rigoler, l'autre pétasse... Oh ouais, elle ricane et se gausse, avant que l'effet ne vire au rire particulièrement jaune, et qu'elle se remette à tirer la tronche.

« Et pourquoi pas lui sucer la teub, p'dant qu't'y es... »

L'homme ne fait pas de vague. Zoé ramène en position verticale son pied juché sur le comptoir, puis, en donnant des coups de cul, rapproche son tabouret du gazier. Elle aussi, se met à tâter le veston, au niveau de la manche du bonhomme. Joli costume. Ouais. C'est un très joli costume, pour sûr. La borgne approche son visage du cou de Stinson. Renifle son col. Puis lui susurre à l'oreille, en faisant claquer sa langue contre son palais et ses dents.

« Do ya smell that ? Muerte. »

Plus haut, après s'être enfilée une gorgée de bière, et avoir croisé les bras, reprenant son air sinistre:

« J'trouve qu'il daube l'embrouille de puta madre, not' amigo.»

Jo Clay commence à tâter l'étoffe de sa veste. Harry se laisse faire. Mais il n'en a surtout rien à carrer. Qu'elles le dévorent, tant qu'il peut boire. Et pas de questions, pitié, pas de question.

"Mais t'm'as pas répondu, blondinet... Qu'est-c'qu'y t'amène dans ce... Beau pays si prometteur, où qu'règnent les lois, et qu'les rivières d'or s'jettent dans les cascades d'whisky? Hein... D'la famille? Des amis? P'têt' une amoureuse?"

Là, il boit tout ce qui reste dans sa petite bouteille. Cul sec. On tire sur sa veste, sur son col. Lui, il réajuste cette veille cravate. C'est vrai que c'est un beau costume. On ne le dira jamais assez. L'ancien était pas mal aussi. Et taillé sur mesure. Mais il a mal fini.

Pourquoi pas lui sucer la teub? Oui pourquoi pas. Pourquoi pas faire un bridge aussi? Lui il s'en fout, tant qu'il peut boire. La métèque lui murmure des trucs à l'oreille, à son unique oreille, la droite donc. Des trucs vrais. Aussi vrai qu'il s'appelait Harry Stinson, qu'il se foutait de tout et que s'il n'était pas si lâche, ouais, s'il n'était pas si lâche, il se ferait sauter le caisson, là, au milieu du bar. Il répandrait sa putain de cervelle sur le zinc, sur elles, sur le plancher, le plafond et même sur les bouteilles derrières le bar, partout. Ça serait une orgie de cervelle, et lui, il serait mort.

Mais les morts, çà ne boit pas d'alcool. Et d'ailleurs, son silence dure depuis trop longtemps. Et il sait qu'on ne lui servira rien d'autre à boire s'il ne répond pas.

"Une amoureuse... morte."

C'est bien résumé. I lorgne déjà sur la bouteille de whisky. Les mots seront désormais facturés aux décilitres.

- J'trouve qu'il daube l'embrouille de puta madre, not' amigo.»
- Listen, I'm just a dead man walking. You should'nt waste your time with me."

Il sent une présence sur son épaule. C'est Alisha. Son regarde se porte sur elle, puis sur la bouteille. Il hésite. Puis finalement, il soupir :

"I'm sorry, my dear, but i'm exhausted, and I still got a long way to go. I don't think it's reasonable for me. Sorry again."

Là dessus, il profite du court temps de répit pour se jeter sur le whisky et se remet un fond dans son verre. Faudra le flamber avant de le bouffer.

Le regard désapprobateur d'Alisha, qui caresse les épaules d'Harry, tandis que la cavalière et la borgne, elles, touchent son costume, les deux si proches de lui... La scène a quelque chose de surréaliste, idyllique, peut-être... Un peu malsain, aussi... Un drôle de tableau, sur lequel on verrait, à travers les vapeurs des fumées, de la drogue et de l'alcool, trois harpies en train d'exciter leur futur repas : bon dieu, ces salopes n'ont pas d'âme, c'est pas possible. Et l'autre tarée, qui taîte la clope allumée, le regard brillant, quand l'américain évoque "une amoureuse morte".

Evocation qui arrache un sourire en coin à la marshall... Ben tiens, une amoureuse morte. Et pas de sa belle mort; elle aura profondément douillé, avant de crever... Au fond, le Delamort doit être un peu sadique et pervers... Ils doivent tous l'être, ici bas. La voilà, la belle équipe de détraqués : les pionniers de la RSA. L'idée arrache un ricannement con à la Kieffer, qui calle la cigarette entre son pouce et son index, laisse la fraise incandescente baver sa fumée nocive...

"Ah ouais... T'es l'mec a la p'tite pu..." Elle se rattrape.

"T'es l'mec de la gamine, Galicia..."

Surprise feinte, ignorance simulée, tellement grossièrement que ça ne trompera personne. Bien sûr, qu'elle sait, la demeurée. Et la situation lui procure même un certain plaisir, va savoir pourquoi... D'un ton volontairement exagérément contrarié, elle poursuit :

"Une véritab' tragédie, qui nous a tous bien affectés... Ooh oui... Surtout pour le p'tit gnakoué, qu'a cané 'vec elle... Monstrueux... Une affaire monstrueuse... Terrible... Tragédie..."

La salope lève son cul du tabouret, pour s'appuyer contre le comptoir, et d'un ton neutre, cette fois :

"C'moi la marshall locale... Chargée d'l'enquête... J'essaye d'déterminer c'qui a pu s'passer. On r'trouv'ra ceux qu'ont fait ça."

Un regard en coin pour la Zoé, qui se porte ensuite sur Alisha... La brune ne lâche plus l'indienne du regard, et tout en fixant intensément la danseuse, elle lâche sèchement à l'attention d'Harry :

"Bois."

Il va boire, le goulot se rapproche de ses lèvres, plus que quelques centimètres. La situation continue de dégénérer, et langue de Jo Clay se met à fourcher. Il suspend son geste. La bouteille perd de l'altitude, finalement, elle revient sur le comptoir. L'américain fixe droit devant lui. A chaque mots, c'est ses entrailles qu'elle fourrage. Ce n'est pas sa veste qu'elle triture, c'est son âme, ou ce qu'il reste.

On peut lire la haine dans le regard de Harry, une haine froide, meurtrière, contenue mais explicite. Et maintenant, elle se fout carrément de sa gueule. Alors il compte les morceaux de cervelles. Faut pas l'écouter, çà ne sert à rien. Fini de boire et casse toi. C'est mieux pour tout le monde.

Il reprend une gorgée. Alors comme çà y'a une enquête, hum hum, intéressant, prend plutôt une autre gorgée qu'il se dit. Et il le fait. On retrouvera ce qu'on fait çà? Mais oui! Tiens donc! Et on leur donnera une médaille? Prend moi pour un con, salope. Salope? C'est bien comme mot, çà. C'est fort, çà lui occupe l'esprit. Il se le répète en boucle, en contemplant sa bouteille. Salope, salope, salope, salope.

"Bois."

Bien. Il boit. Mais t'es quand même une salope. Quand il repose sa bouteille sur le comptoir, elle est vide. Ça commence à monter, l'alcool, le venin fait son bonhomme de chemin, envahit son organisme, lui prend ses dernières forces, inhibe son instinct de survie. Il est une putain de mouche, dans la toile de la R.S.A, le Repaire des Salopes Arachnoïdes. Et du mutant rouge. C'était tellement évident. Faut se tirer tant qu'il était temps. Prendre la porte, maintenant!

Mais d'abord, un dernier verre. Juste un. Et tout en se resservant :

"Content d'entendre qu'il existe toujours des représentants de la loi digne de confiance dans votre beau pays, officier Kieffer."

Un murmure à son oreille, comme la voix de la raison, assourdie par l'alcool qui coule déjà dans sa gorge, et le bruit du verre heurtant le comptoir. A peine le liquide s'est immobilisé dans sa bouteille, que celle ci vole et explose, rependant son contenu sur le plancher. Il a bien tenté d'empêcher çà, d'ailleurs, il a le bras tendu, sa main se ferme sur le vide. Mais c'est déjà trop tard, l'alcool a amoindri ses réflexes, et Alisha le tire en arrière.

Dépité, l'américain se laisse tomber du tabouret, ses genoux fléchissent, puis se détendent, lui redonnant toute son élégante hauteur. Il prend le temps de rallumer sa clope, qui s'était éteinte entre ses lèvres, et finit par se laisser traîner à l'écart. Il plante son regard dans celui d'Alisha :

"I wanna drink alcohol, mom..."

Une expression de gosse capricieux passe sur son visage, juste le temps de cracher son sarcasme, avant de fondre en masque d'antipathie lasse.

h.r.p : Et joyeux noël!