Le récit qui va suivre se déroule entre 00h et 01h d'une journée de la Lune 110. Ces évènements se passent en temps réel.
0 0 H 0 0
Un bruit de coyote retentit, provenant probablement des régions désertiques au nord ouest. Une légère brise souffle, se faufilant entre les arbres de la forêts du domaine d'Aurore. Le bois craque, un écureuil détale. Les branches aux sol se brisent sous des pas secs et rapides. En un instant le silence, des yeux verts brillent à la lueur de la lune.
0 0 H 0 1 - République Sérénissime d'Aurore
Dans une cabane à l'écart, on peut voir au travers de la porte ouverte quelqu'un s'activer à rassembler des affaires. Gil-Scott, à qui le désir de voyager titillait autant que les démangeaisons de Marat, remplissait sa besace d'ustensiles et de vivres dans l'idée de camper dans la forêt alentour. Le strict minimum, car il allait falloir marcher, et il était hors de question de transporter quoi que ce soit qui aurait pu ralentir sa course inutilement.
Il se contentait donc d'empiler un peu de viande séchée, une ou deux boites de conserves, un gobelet en étain, quelques plantes médicinales et trois ou quatre autres outils qui lui permettraient d'installer un campement et de se préparer du feu. Pour le reste, la nature s'en occuperait. Il saurait s'occuper avec toute les choses qu'il allait observer, et il ne manqua pas de rajouter son carnet à la liste. Son bagage, pourtant précieux à ses yeux, resterait là le temps qu'il revienne. Les autres "gapians" de la RSA n'avaient pas interêt à y toucher, bien qu'avec ses faibles bras, il ne risquerait pas de venir à bout d'un type un peu costaud. Même les gosses étaient dangereux ici, rien que Galicia ne ferait qu'une bouchée de lui. Pourtant, il se contenta de le recouvrir de tissus et d'un ou deux bouts de tôle, et s'empara de sa besace qui pesait déjà un certain poids.
Il sortit de son cabanon sans se retourner, huma l'air frais et léger du dehors, et se mis en marche sans même en avertir Delamort. Il serait de retour dans 3 jours, et rien ne l'empêcherait de passer son séjour dans cette forêt. Si on avait besoin de lui, il n'y aurait qu'à se débrouiller: un bon pisteur saurait le retrouver sans problème, mais y en avait-il en RSA ?
0 0 H 1 4 - Forêt domaniale d'Aurore
Gil-Scott ne pensait pas s'être fait remarqué lorsqu'il quitta Aurore. Beaucoup dormaient, et une grande partie du reste était cloîtrée dans la baraque commune. En marchant en direction de l'obscurité, il sentit son désir de solitude et d'aventure grandir en lui, tel un brasier attisé par le vent. Un léger sourire se dessina sur ses lèvres, une longue marche l'attendait.
0 0 H 1 8 - Forêt domaniale d'Aurore - Croisée des chemins
Le sentier qu'il avait suivit jusque là s'arrêta brusquement. A l'est, la forêt était trop dense, impossible de passer. A l'ouest, le passage était dégagé, mais Gil-Scott fut attiré par des signes de vies au sol. Ou plutôt, une preuve qu'un animal était passé par là: la terre était retournée et de petites branches étaient cassées de-ci de-là. Un sanglier, probablement. Manifestement, les traces étaient fraîches, et on pouvait s'apercevoir qu'elles prenaient la direction du sud. Sans hésiter, le trappeur décida qu'il fallait suivre la piste. Quel merveilleux repas il ferait s'il arrivait à attraper la bête, et quel plaisir de retrouver à nouveau les sensations de la chasse.
Plein d'espoir, il se mit à la recherche de son cochon sauvage et redoubla d'attention alors qu'il marchait doucement sur le sol jonché de feuilles et de branchages.
0 0 H 2 4 - Forêt domaniale d'Aurore
Au fur et à mesure qu'il suivait la piste de sa proie, il avait la conviction qu'il s'approchait du but. Il pouvait sentir la présence du sanglier. Pas à pas, il suivit les traces de plus en plus fraîches et s'arrêta net. Un hurlement avait retentit à l'Est.
Cette fois-ci, on pouvait oublier coyotes et chiens sauvages. Ce hurlement là, c'était celui d'un loup, et il était suffisamment proche pour inquiéter le trappeur. En un instant, son esprit fut en ébullition. Il fallait choisir entre continuer la chasse ou jouer la sécurité. Si le loup avait faim, il était dangereux, et sans aucun doute aurait-il sentit le gibier que Gil-Scott était en train de pister. D'un autre côté, lui même était si proche du but.
Sur la majeur partie de sa "ballade", il n'avait pu s'empêcher de saliver à l'idée de goûter enfin à de la bonne viande bien fraîche. Finalement, il décida que la présence de ce loup l'agaçait: il aurait son gibier, et aucune bête, même la plus féroce ne l'empêcherait de goûter à sa viande! Il se tourna dans la direction de la piste et se remit en chasse.
0 0 H 4 1 - Forêt domaniale d'Aurore - Grand hêtre
Tout se passa très vite. Gil-Scott était arrivé à la hauteur d'un hêtre qui devait bien avoir plus de deux cents ans. Là, le sanglier arrachait de l'herbe à l'aide de son museau et la mâchonnait allègrement. Il n'eut pas le temps de se réjouir, qu'une ombre se jeta sur la bête. Gil, qui était tout de même à environ cinq mètres de là reçut une première giclée de sang. L'ombre faisait de violents gestes à droites et à gauches et l'on pouvait voir le sanglier gigoter frénétiquement, lâchant des cris aiguës qui avaient le dont de percer les tympans.
Il recula d'un pas, mais cela ne le mit pas à l'abri de la seconde giclée. Il ne fit qu'un tour dans sa tête que la situation était critique: si c'était un loup, il était drôlement furieux. Ce sanglier devait lui avoir fait des choses terribles pour qu'il en vienne à se déchaîner sur lui de cette manière. S'il continuait ainsi, cet animal ne laisserait qu'une vulgaire charpie du cochon sauvage, et Gil-Scott en vint à la conclusion pertinente qu'il serait fort probablement le suivant.
0 0 H 4 3 - Forêt domaniale d'Aurore - Un peu partout
Il eut du mal à faire décoller ses jambes, mais il finit par se mettre à courir de toute ses forces en direction du hameau, essayant tant bien que mal de retrouver son chemin. Le problème, lorsqu'il fait nuit et que l'on court de toutes ses forces, c'est que même la lumière de la lune ne vous permet pas de voir correctement des traces laissées par un animal sauvage dans une forêt dense.
Haletant, il pouvait entendre le souffle et les pas du gigantesque loup qui le poursuivait. Fort heureusement, il avait une bonne avance, quoique d'ici une trentaine secondes il finirait bien par se faire rattraper. La bête courait bien plus vite que lui et même son avance ne lui servirait pas à grand chose. Au bout d'un moment, en sueur et les yeux prêts à s'éjecter de leurs orbites, il crut qu'il n'en avait plus pour longtemps. La bête était à quelques mètres de lui et ses grands yeux verts lui jetaient des regards meurtriers. Les grognements parvenaient à ses oreilles comme autant de menaces qu'elle était sûre de mettre à exécution. Pendant un instant, il était sûr que ses mâchoires commençaient à lui enserrer le mollet alors même qu'il était en pleine course. Il ferma les yeux, persuadé que sa route prendrait fin d'un instant à l'autre, puis se fut le trou noir.
0 0 H 4 5 - Forêt domaniale d'Aurore
Lorsqu'il ouvrit les yeux, Gil-Scott était au pieds d'une pente raide comme une falaise, mais pas plus haute que cinq mètres. Il mit un temps pour remettre son esprit en place et se rendre compte qu'il n'avait rien de cassé. Double coup de chance: la bête avait disparue. Il était tombé sur un tapis de mousse qui avait amortie sa chute. Sa besace avait protégé sa tête alors que celle-ci avait tapé violemment contre la paroi rocheuse.
Après quelques instants, durant laquelle il considéra sa chance incroyable, il se remit en route. Il avait beau regarder autour de lui, le loup avait bel et bien abandonné la poursuite. Il lui fallut bien encore quelques minutes pour réaliser qu'il n'avait pas rêvé et qu'il était sain et sauf. Fatigué, sale et assoiffé, Gil-Scott partit à la recherche d'Aurore.
0 0 H 5 5 - Forêt domaniale d'Aurore - Nulle part
Le trappeur devait se rendre à l'évidence, il était perdu. Autour de lui, des arbres à perte de vue et lui semblant tous identiques. A l'allée, il s'était fié aux traces du sanglier, mais maintenant il n'avait plus aucun point de repère. Avec cette énorme bête dans les parages, il ne pouvait pas se permettre de camper. Il allait devoir retrouver la ville coûte que coûte.
A bien y réfléchir, il pouvait toutefois essayer de se rappeler les directions prises à l'allée, en partant du croisement jusqu'au grand hêtre. Après, il n'avait plus qu'à se matérialiser une carte dans son esprit et imaginer par rapport à celle-ci la direction prise lors de sa fuite. Il semblait donc avoir pris plein nord-est, il n'avait donc plus qu'à se diriger vers l'ouest, si toutefois c'était bien l'ouest. Avec un peu de chance, il arriverait avant l'aube à Aurore.
Épilogue
Le soleil était déjà assez haut dans le ciel lorsque Gil-Scott arriva en RSA. Il était éreinté par sa mésaventure et par le fait qu'il n'avait pas dormi de la nuit. D'un pas las, il se dirigea vers la salle commune en espérant que quelqu'un de bienveillant lui sortirait un tord boyau d'une caisse afin de digérer la nuit en forêt.
Entrant dans la baraque, il lâche négligemment son sac au sol et s'installe à une table. Regardant tour à tour chaque personne présentes, son visage aborde une expression de frayeur alors qu'il se rappelle les fameux évènements:
Un loup g'ant s'ballade dans c'te f'tue f'rêt!
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